Scotchés devant leurs postes de télévision pendant les cinq heures qu'a duré l'audience de proclamation des résultats, les Camerounais ne se faisaient en réalité guère d'illusions. L'épisode du contentieux post-électroral qui avait duré trois jours et qui avait été très largement suivi à la télévision avait déjà levé tout suspens quant à l'issue finale de cette élection. Les candidats de l'opposition avaient tous déjà été déboutés de leur recours, ce qui laissait entrevoir un boulevard au président sortant.
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Depuis de longues années au Cameroun, une grande partie de la population s'est détournée du vote, détournée de la politique de manière générale. Les Camerounais ne croyaient plus aux élections : seulement 6,6 millions d'inscrits cette année, soit à peine la moitié de la population en âge de voter.
Mais s’il est un fait que l'opposition a échoué à faire inscrire en masse les Camerounais sur les listes électorales, avec cette élection, il est possible que les choses commencent à changer.
De nouvelles figures ont émergé, des candidats qui sont apparus plus déterminés, plus combatifs. Plus sérieux aussi.
La campagne électorale a passionné de nombreux Camerounais qui suivaient les débats à la télévision et l’actualité sur les réseaux sociaux.
Une grande première : le jour du vote, notamment au moment du dépouillement, ils étaient des milliers à prendre des photos ou à filmer les résultats bruts, inscrits sur le tableau noir des salles de classe les partageant aussitôt sur internet.
« Certains jeunes ont pris conscience qu'ils avaient leur mot à dire, leur rôle à jouer. Rien à voir avec les scrutins de 2004 ou de 2011 », constate Philippe Nanga, un acteur de la société civile. Reste à savoir comment ils vont réagir à l'annonce des résultats, s'interroge Philippe Nanga et s'ils sont prêts à suivre les mots d'ordre des candidats de l'opposition.
Le paysage politique a changé
Le second enseignement de ce scrutin est la recomposition du paysage politique. Par sa stature, sa détermination, un réel travail sur le terrain, Maurice Kamto s'est révélé pendant cette présidentielle. « Quand il a décidé de se lancer avec le MRC en 2012, on ne l'a pas vraiment pris au sérieux. Aujourd'hui, c'est lui qui bouscule le pouvoir, cela faisait plus de 20 ans qu'on n'avait pas vu ça », reconnaît un observateur de la vie politique.
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Son parti, le MRC, grandit aux dépens du SDF. En raison de la crise anglophone, le principal parti de l’opposition camerounaise n’a pas pu faire le plein des voix dans des fiefs traditionnels du Nord-Ouest et Sud-Ouest. Considéré à juste titre ou non, comme comptable au même titre que le parti au pouvoir de la situation actuelle du pays, le parti de John Fru Ndi est aujourd'hui divisé. Joshua Osih en paie le prix.
Quant à Cabral Libii, il fait une entrée très remarquée. Crédité de seulement 6,28% des voix, des chiffres qu'il conteste, le benjamin de la présidentielle a réussi à se hisser dans le débat national, suscitant un réel espoir auprès d'une partie de la jeunesse camerounaise.
Dans le camp des vainqueurs, certains responsables reconnaissent que cette élection a changé le paysage politique et que le RDPC devra en tenir compte à l'avenir.
Une victoire sans appel
Pour Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir, cette victoire est sans appel