Hubert Mono Ndjana : qui était l’idéologue du Rdpc ?

Le philosophe est décédé à l'âge de 77 ans

Tue, 21 Nov 2023 Source: L'Indépendant

L'auteur de l’essai de philosophie politique,« L'idée sociale chez Paul Biya »,paru en 1985,a rendu l’âme, le 16 novembre 2023 àYaoundé,à l'âge de 77 ans, laissant l’héritage de la pensée aux générations futures.

Victime d’un accident de la circulation, le jour de son anniversaire, le 3 novembre 2023, l’universitaire était depuis lors hospitalisé à l’hôpital central deYaoundé. Une rumeur va d’abord l’annoncer mort, le 15 novembre, avant qu’il ne rende l’âme, le lendemain, le jour où le Cameroun, de concert avec le monde, célébrait l'émancipation et la fécondité épistémiques. Selon les premiers témoignages, le Professeur Hubert Mono Ndjana, durant son cheminement existentiel terrestre, s'est sans cesse évertué à poser les jalons d'une société d'exemplarité, gage d'une justice socialisante et humanisante.

Sa verve et son audace, empreint de témérité et de sobriété, n'ont laissé personne indifférent. Ce thérapeute d'un autre genre, ce sociopolitiste, à la plume hautement incisive, a scruté, examiné, diagnostiqué la polis, la cité, au point de soulever des problématiques agaçantes, gênantes, parfois choquantes, et d'en formuler des pistes de sortie de l'ornière. Le professeur Hubert Mono Ndjana faisait partie de la crème de la crème des philosophes camerounais aux côtés d'autres illustrés noms à l'instar Marcien Towa, Éboussi Boulaga et Ebenezer Njoh Mouellé.Il est l'un des rares si ce n'est le seul philosophe africain dont le nom figure en lettre d'or dans l'Encyclopédie Universalis,preuve testimoniale de la reconnaissance mondiale de sa contribution exceptionnelle dans l'évolution de la pensée philosophique universelle.

La petite histoire voudrait que Hubert Mono Ndjana étudie au Cameroun, puis en France à l’Université François Rabelais de Tours.De retour au pays, il exerce diverses fonctions administratives notamment dans le milieu académique et s’essaye, sans beaucoup de réussite, à la politique. Écrivain prolifique, il est auteur et coauteur de plusieurs ouvrages majeurs ; signataire de nombreux articles et éditoriaux dans plusieurs journaux de référence nationale et internationale ; concepteur de plusieurs expressions qui font désormais partie du patrimoine intellectuel national telles que : « l'écart de la norme et la normalisation de l'écart dans les administrations publiques au Cameroun » ; « le Mapartisme » une manière subtile de dénoncer la corruption et les détournements dans la fonction publique camerounaise et la société toute entière. Beaucoup se souviennent surtout qu’il a été l’un des tout premiers intellectuels camerounais à soutenir ouvertement le président de la République, Paul Biya, lors de son accession au pouvoir en 1982.

Ceci s’est concrétisé par des publications (parmi lesquels « L'idée sociale chez Paul Biya ») visant à mieux faire comprendre la pensée politique et sociale du chef de l’État camerounais. Lors de l’avènement du multipartisme dans les premières années de la décennie 1990, Hubert Mono Ndjana a été secrétaire général adjoint du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc),le parti au pouvoir dirigé par Paul Biya.Il était notamment chargé de la communication dudit parti. Cet engagement politique n’a pas toujours été perçu d’un bon œil par bon nombre de ses adversaires et ses collègues universitaires qui ont plutôt une conception théorétique du savoir philosophique et de la vie universitaire. Écarté des bonnes grâces, sous le ridicule prétexte d'avoir pourtant suggéré que les normes ne s'écartent point ; et que les écarts, au grand jamais ne se réduisent en normes, l'auteur des « Chansons de Sodome et Gomorrhe » en avait la justesse.

Malheureusement, il lui avait échappé que dans un environnement où le subconscient est manifeste du syndrome de Stockholm, il ne fallait pas oser...

Surtout pas. Pour bon nombre d’observateurs,c'était un bonheur cathartique et prophylactique infinitésimal que de suivre cet érudit de la pensée philosophique et politique dans les amphis, les chaînes de radio et sur les plateaux de télévision.Le fils d'Ekabita dans la Lekié, avait une maîtrise parfaite des sujets et de soi.On se souviendra des débats houleux qu'il mena contre Maurice Kamto au sein du journal Le Messager dans les années 90. Vivant, il aimait à répéter que ces débats eurent été selon lui les plus enrichissants que deux intellectuels aient jamais livrés aux Camerounais.

Source: L'Indépendant