Des centaines d’élites, militants de base, dignitaires traditionnels et autres opérateurs économiques viennent de donner le top départ du rendez-vous qu’on dit imminent.
Ils sont 112, représentant quasiment le gratin politico-mondain de la région du Sud. A qui s’ajoutent «leurs Majestés les chefs traditionnels ; tous les membres du comité central du Rdpc [Rassemblement démocratique du peuple camerounais] ; tous les maires ; tous les conseillers municipaux ; tous les présidents des sections Rdpc, Ofrdpc, Ojrdpc ; tous les présidents des sous-sections Rdpc, Ofrdpc, Ojrdpc ; tous les présidents des comités de base Rdpc, Ofrdpc, Ojrdpc ; tous les présidents des cellules Rdpc, Ofrdpc, Ojrdpc (…) ; tous les opérateurs économiques».
Comme un seul homme, le Sud, région natale du président Biya, salue les réalisations et autres nominations à de hautes fonctions en faveur de la région et de certains de ses fils. Au-delà d’une banale motion de déférente gratitude des forces vives, par-delà la condamnation du terrorisme à l’Extrême-Nord ou encore l’adhésion aux idéaux de paix, d’unité, de démocratie et de progrès, les signataires glissent «[leur] soutien granitique, total et exhaustif au chef de l’Etat pour les futures échéances électorales».
Ici semble se situer le véritable intérêt et le réel enjeu de la démarche épistolaire. Il ne fait en effet l’ombre d’aucun doute que «les futures échéances électorales», pour lesquelles le soutien granitique (venant de granit, roc) est d’ores et déjà assuré à Paul Biya, ne peuvent viser les élections sénatoriales, législatives ou municipales, mais bien le scrutin présidentiel prévu en principe 2018.
Des Vip dans la caravane
Mais quel était donc l’intérêt à partir si tôt ? Et où était l’urgence de cet acte d’obséquiosité, alors que le pays et son chef sont censés se concentrer au développement du Cameroun et à la lutte contre le terrorisme ? A la vérité, la démarche solennelle des élites du Sud, dont on sait par ailleurs qu’elles n’ont jamais mégoté leurs louanges à l’homme du 6 novembre 1982, cache bien d’arrières-pensées politiques.
Il s’agit, ni plus ni moins, que d’un appel clair au chef de l’Etat à anticiper l’élection présidentielle et à s’y présenter. C’est donc d’une réelle entrée en campagne électorale et qui, ainsi que nous l’écrivions dans de précédentes éditions, donne le top départ d’une avalanche d’autres motions de soutien et de déférence allant dans le même sens. Et qui pleuvront bientôt dans les médias à capitaux publics.
Le challenge des forces vives du Sud est d’autant plus à prendre au sérieux qu’on y retrouve des signatures plutôt rares, pour ne pas dire précieuses, telles que Martin Belinga Eboutou (directeur du cabinet civil) ou encore de Jean Fouman Akame (conseiller spécial du chef de l’Etat), dont on sait la distance établie avec les joutes politiciennes. On y retrouve également des vieux chevaux sur le retour à l’instar de Rémy ZeMeka, Joseph Owona, Samson Ename Ename et autre Jean Marcel Mengueme (anciens ministres ou ex-gouverneur de province).
Plusieurs dignitaires du régime, soucieux de donner une légitimité nouvelle au président de la République dans sa quête de l’émergence à l’horizon 2035, dans sa lutte contre l’insécurité et le terrorisme, mais également dans la perspective des Coupes d’Afrique des nations (Can) de football 2016 (dames) et 2019 (messieurs), ne cachent plus leur impatience de voir Paul Biya revêtir au plus vite les habits de commandeur en chef. Et tout laisse croire que le rendez-vous avec les urnes est imminent. Game over !