Nous avons entendu un discours-fiction sur fond d'autoritarisme. On a eu comme impression qu'il se parlait à lui-même.
Totalement déconnecté des réalités du pays. Incapable de faire profil bas sur le plan économique du fait qu'il a réussi l'exploit d'être le seul Chef d'Etat au monde, durant ses 34 ans de règne monarchique, à avoir fait retourner son pays deux fois dans les programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI. Son discours a apporté la preuve que le Cameroun est décidément en mode de pilotage automatique. Il s'est permis de brandir des chiffres surréalistes sur la création d'emplois sans de surcroît préciser les filières concernées.
Proclamer que le nombre de création d'emplois (335.000 en 2015 contre 320.000 en 2016 si l'on s'en tient à ses propres chiffres déclinés lors des deux dernières adresses à la Nation) a connu une hausse de 20% achève de convaincre que M. Biya, en plus d'avoir de mauvais rapports à la statistique, est définitivement frappé d'amnésie ! Sur le plan des infrastructures, on s'est cru dans un autre pays. Peut-être qu'il s'est cru en Suisse où il effectue ses villégiatures permanentes. Aucun chronogramme précis sur les infrastructures qui n'existent que sur le papier et qui sont inscrites depuis des décennies dans le budget de l'Etat et reportées d'année en année. Pour celles dont les travaux ne sont pas encore achevés, il a feint d'ignorer que les retards accusés sont liés à la mauvaise gouvernance notamment les mauvais montages financiers sur fond de rétro commissions entre autres.
L'on a également noté son arrogance puérile et béate sur la question anglophone. Aucun mot de compassion pour nos jeunes compatriotes qui ont été massacrés par sa soldatesque. Sa promesse de créer une commission sur ce sujet n'est pas crédible lorsqu'on sait ce que deviennent les commissions d'enquête crées depuis ses 34 ans de règne sans partage. La dernière en date concerne celle sur la tragédie d'Eseka qui n'a pas encore été rendue publique alors que lui-même avait prescrit un délai de 30 jours. M. Biya donne raison à Georges Clemenceau qui disait que lorsqu'on veut enterrer un problème on crée une commission ... M. Biya gagnerait à savoir que bomber le torse sur ce problème potentiellement explosif ne fera qu'envenimer cette crise qui a déjà atteint son paroxysme.
Sur le plan des libertés publiques en rapport avec les manifestations de Bamenda et Buea, il a fait cas de la liberté de manifester. Sans jamais y croire. On ne saurait en toute logique invoquer la liberté de manifester qui est un droit constitutionnel après avoir instrumentalisé et transformé les forces de défense et de sécurité en forces de répression disposant d'un permis de tuer au point de réprimer dans le sang les manifestations pacifiques.
Pour terminer, ce discours aurait dû être le dernier au regard des résolutions du dernier sommet extraordinaire des pays de la zone Cemac qui, contrairement à ses dires, plongeront le Cameroun dans l'austérité et feront davantage souffrir le peuple qui a déjà consenti d'énormes sacrifices après le premier plan d'ajustement structurel. L'exaspération est à son comble sur toute l'étendue du territoire national.
Le seul service que M. Biya peut rendre au peuple camerounais est de reconnaître son incapacité abyssale à présider aux destinées de notre pays et de démissionner. Ou tout au moins de donner des indications claires qu'il ne se représentera pas à la prochaine élection présidentielle à l'instar de son homologue angolais Eduardo Dos Santos qui a pris l'engagement auprès de son peuple de ne plus être candidat à sa propre succession.
Faut-il le souligner, le Président angolais à 74 ans est le cadet de 10 ans de M. Biya. Il faut quitter le pouvoir à temps. Pour ne pas être emporté par la bourrasque. Les patriotes sont conscients qu'ils ne faut pas se faire d'illusions sur cette démarche de sagesse et de noblesse en raison de ce que le monarque Biya fait partie des dictateurs dont le rêve est de mourir au pouvoir contre vents et marées. Il revient au peuple camerounais de prendre son destin en main.