Dans le microcosme politique du Grand Nord (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord), retentit depuis quelques mois le nom d’un parti politique : le Parti pour la justice et le progrès (Pjp). Dans les boubous, circule son projet de statut et de règlement intérieur.
Ses prises de position et ses appels à la défense des intérêts du Nord Cameroun captivent les lecteurs sur les plateformes numériques ; notamment Facebook et WhatsApp.
Le discours du Pjp est vif, incisif et invite à tourner la page, à renvoyer dans le placard la vieille garde politique nordiste accusée d’être complice de la misère des populations des trois régions septentrionales. « Nous sommes dans une réflexion permanente pour mobiliser et conscientiser nos populations sur leur force. Le Pjp leur dit : ‘invitez-vous dans la politique, investissez-vous dans la politique.
Ne laissez plus un groupe de personnes prendre en main votre destin comme c’est le cas depuis toujours. Notre démarche n’est pas celle d’hommes et de femmes pressés. Nous savons où nous allons’ », confie un des principaux acteurs de ce mouvement, cadre dans une entreprise à Maroua, principale ville de l’Extrême-Nord.
« Faire la politique au profit des populations du Grand Nord est une motivation collective qui date de plusieurs années. [Notre] démarche politique n’est pas spontanée, elle n’a rien à voir avec ce qu’essaye de faire un certain Aboubakar Ousmane Mey. Ce n’est pas de l’agitation sur les réseaux sociaux, c’est du concret. Certes, le Pjp n’a pas encore de visages, mais bientôt vous les verrez et vous serez agréablement surpris », ajoute une autre source anonyme joint au téléphone à Ngaoundéré.
Ce parti fantôme ne laisse pas indifférent les acteurs politiques locaux, les autorités administratives et les services de sécurité. Alors qu’il opère encore dans le noir, des responsables du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), multiplient déjà des descentes sur le terrain pour identifier ses promoteurs. Des indiscrétions révèlent même que le président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril, par ailleurs chef de la délégation permanente du comité central du Rdpc dans la région de l’Extrême-Nord, multiplie les consultations pour circonscrire le phénomène.
« Depuis le début du mois de janvier, il est chez lui à Mada pour s’attaquer principalement au Pjp et au Mrc (Mouvement pour la renaissance du Camerounn, Ndlr) », confie un militant du Rdpc. Plusieurs autres cadres du Rdpc originaires des régions du Nord et de l’Adamaoua poursuivent le même objectif chez eux.
« Le Pjp et son discours ne gêne pas seulement le Rdpc et les partis traditionnels du Grand Nord. Il perturbe aussi les nouveaux partis qui voulaient conquérir le Grand Nord à l’instar du Mrc qui avait déjà entamé une belle percée dans la région. Je constate aujourd’hui que le discours du Mrc est perturbé par celui du Pjp et les gens d’ici préfèreront toujours un parti local qu’un parti venu d’ailleurs », justifie l’un d’eux.
Il ajoute : « C’est la formation politique du Nord dont l’unique programme politique se résume au développement du Nord. Si ceux qui sont derrière cette manœuvre font preuve de sagesse, ce parti peut réussir à moyen terme son pari d’être ici un acteur politique majeur », reconnaît Mohamadou, militant de l’Alliance nationale pour la démocratie et le progrès (Andp).
Il dit chercher les animateurs de ce parti fantôme pour entrer en contact avec eux. Mais sans succès car pour l’instant, c’est du bouche à oreille, sur les réseaux sociaux ou lors des rencontres fortuites entre nordistes que le sujet du Pjp est subtilement abordé.
Toutefois, selon diverses sources, les services de sécurité qui suivent de près ce nouvel acteur disposeraient déjà de quelques pistes.
« C’est la démocratie et il est impossible d’interdire à des personnes de créer un parti politique pour peu qu’il ne menace pas l’unité du pays. Ce qui n’est pas le cas du Pjp. Donc, il n’est pas un danger. Quand j’étais à Yaoundé, j’ai appris que la Dgre (Direction générale de la recherche extérieure, Ndlr) avait rassemblé des informations sur ce projet politique et que la présidence de la République en avait été informée », affirme un proche collaborateur du gouverneur de l’Extrême-Nord.
Pour ce dernier, le sujet est pris suffisamment au sérieux parce que ce mouvement regroupe un collectif d’universitaires, médecins, jeunes chômeurs et étudiants qui tiennent des discours sur la base du bilan la classe dirigeante actuelle dans une région aussi peuplée que le Septentrion.