Face aux «envoyés spéciaux» de Paul Biya aux Etats-Unis, en Afrique du sud et en Belgique, la légion camerounaise dans ces pays a posé une fin de non-recevoir.
Depuis le 03 août dernier (et ce jusqu’au 09), les regards du pouvoir de Yaoundé sont braqués vers les Etats-Unis. Au pays de l’Oncle Sam en effet, Paul Ghogomu Mingo conduit une délégation officielle. Aux côtés du directeur du cabinet du Premier ministre, se trouvent Fabien Nkot (conseiller technique à la Primature) et Elvis Ngolle Ngolle (ancien ministre des Forêts et de la Faune). Ils sont chargés de discuter des sujets d’intérêts sociopolitiques avec les membres de la diaspora camerounaise basée à Washington, à New-York et Dallas.
Selon nos informations, les «envoyés spéciaux» du gouvernement ont entamé le travail le 04 août 2017 en matinée dans la capitale américaine. Làbas, apprend-on, il a été signifié à l’équipe de Paul Ghogomu Mingo de «considérer tout d’abord la diaspora camerounaise comme une force politique significative». Au cours de la réunion convoquée, via les services diplomatiques camerounais sur place, certaines voix en ont profité pour déballer au grand jour «les excès des nantis du système», selon la terminologie d’une bonne partie des Camerounais de Washington.
Idées
Dans ce contexte, les quelques polémiques qui ont alimenté le débat n'ont rien arrangé. L’élection présidentielle, prévue en principe en 2018, ayant constitué le ferment des emportements et des indignations. «Le thème de la distribution du pouvoir a pris corps», confie une source locale.
Parmi les participants, on s’est amusé de voir qu’à la veille du scrutin, «la diaspora devienne subitement charmante, alors qu’il y a quelques temps, elle constituait un épouvantail». Cet événement «nous a fait nous rendre compte que nous avions peut-être été trop modestes lors du Fodias (Forum de la diaspora tenu du 26 au 30 juin 2017 à Yaoundé, NDLR)», révèle un participant. «Ce que le pays doit attendre de nous, c'est que nous soyons en mesure de lui faire une proposition plus constructive par rapport à la situation politique au Cameroun» et donc de «développer une action qui aboutisse à la présentation et à la conduite d'un gouvernement avec des ministres et une politique alternative». Désormais, la diaspora camerounaise (du moins celle basée aux Etats-Unis) vise donc clairement la respectabilité. «Nous voulons être respectés pour ce que nous sommes et ce que nous défendons», a-t-on entendu dans les rangs. Inspirés par le rapport publié le 03 août 2017 par le centre d'analyse International Crisis Group (ICG), certains «diasporiens» ont fixé la ligne : «Si le climat actuel se prolonge et que nous ne sommes pas pris en considération, les chances d'organiser des élections pacifiques dans les deux régions anglophones semblent limitées».
Ailleurs
Le 06 août 2017, la délégation descendue en Afrique du Sud a découvert qu’elle traînait, elle aussi, un véritable mécontentement populaire. A Pretoria, Joseph Dion Ngute, le chef de mission est venu adresser quelques mots doux à la foule. Surprise : l'auditoire, garni d’activistes anglophones hostiles, avait déployé une banderole proclamant: «Go away !» (Va-t-en !) «Je ne me laisse pas pour ma part impressionner par des mouvements de foule», a-t-il lancé face aux sifflets. S'efforçant de calmer les esprits, l’émissaire de Yaoundé en Afrique du sud a répondu à l'assistance: «nous n'avons pas le droit de nous diviser». Un jour auparavant, Laurent Esso, ministre de la Justice, Garde des Sceaux (Minjustice) s’est longuement tâté pour savoir comment s’y prendre avec un mouvement d’effervescence et d’énervement à Bruxelles (Belgique). Grâce à la police locale, la contestation qui avait pour cible le régime de Yaoundé, n’a pas eu la force de menacer le Minjustice. Mais elle fait du bruit.
Avec ces missions déployées auprès de la diaspora camerounaise éparpillée partout dans le monde, le gouvernement camerounais essaie pour la deuxième fois d’avoir le soutien de l’étranger. Au Plus fort de la crise sociopolitique, en janvier dernier, Lejeune Mbella Mbella, le ministre des Relations extérieures (Minrex), avait organisé une rencontre avec les chefs de représentations diplomatiques au Cameroun. La rencontre s’était tenue aux lendemains de l’adoption d’une mesure d’interdiction et de l’arrestation de leurs principaux leaders. Lesdites assises portaient sur la flambée des violences dans le Sud-ouest et le Nord-ouest et les initiatives du gouvernement pour un retour à la paix.