Sans attendre la proclamation officielle des résultats, Maurice Kamto a décidé de se déclarer vainqueur du scrutin présidentiel. Pour le gouvernement, il est désormais « hors la loi ».
« J'ai reçu mission de tirer le penalty, je l'ai tiré et je l'ai marqué », a déclaré Maurice Kamto à la presse à Yaoundé. « J'ai reçu du peuple un mandat clair que j'entends défendre jusqu'au bout. » C'est par ces mots que Maurice Kamto, 64 ans, ex-ministre délégué à la Justice (2004-2011) de Paul Biya, avocat au barreau de Paris et président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), a décidé de prendre les devants et de s'autoproclamer vainqueur de l'élection présidentielle. Même s'il n'a pas donné de chiffres, de pourcentages et n'a pas indiqué sur quoi il basait ses affirmations, Maurice Kamto secoue une présidentielle jusque-là assez morne tant la victoire du président sortant, Paul Biya, est attendue. Par cette proclamation avant les résultats officiels, M. Kamto est « manifestement hors la loi », a déclaré à l'AFP le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary. « Quiconque se met en travers (des institutions nationales) rencontrera naturellement la rigueur de la loi, parce que la force appartient à la loi. M. Kamto n'aura pas le gouvernement en face, mais toute la nation qui n'accepte pas qu'on déstabilise la seule religion qui nous soit commune, à savoir la paix », a-t-il prévenu.
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Accusations de fraudes
Il avait reçu vendredi le soutien d'un autre candidat de poids, Akere Muna, également avocat, qui s'était retiré de la course en sa faveur et était présent lundi à la conférence de presse. Maurice Kamto a dénoncé de « multiples cas de fraude orchestrée par le pouvoir », auquel il a néanmoins tendu la main : « Mes bras leur restent ouverts pour qu'on œuvre ensemble à la renaissance nationale. J'invite le président de la République à organiser les conditions d'une transition pacifique afin de mettre le Cameroun à l'abri d'une crise électorale dont notre pays n'a nullement besoin. Comme je m'y suis engagé, je lui assure à lui-même et à sa famille toutes les garanties de sécurité, d'immunité et de respect dû à son statut », a-t-il affirmé.
Levée de boucliers des partisans de Paul Biya
Grégoire Owona, ministre du Travail et secrétaire général adjoint du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), a accusé M. Kamto d'avoir invité « insolemment le président Paul Biya à organiser la passation de pouvoirs ». Vendredi soir, Paul Atanga-Nji, ministre de l'Administration territoriale (Intérieur), avait affirmé que « toute forme de remise en cause du verdict des urnes en dehors des voies légales ne sera(it) pas tolérée ». Légalement, le Conseil constitutionnel, composé de proches du président Biya, est le seul habilité à proclamer des résultats, au plus tard deux semaines après le scrutin. M. Kamto faisait partie des sept candidats opposés au favori Paul Biya, 85 ans, dont près de trente-six au pouvoir, qui briguait un 7e mandat consécutif.
Réseaux sociaux et tensions en zone anglophone et dans l'Extrême-Nord
Malgré le long délai de publication officielle, des résultats de centaines de bureaux de vote sur 25 000 installés dans tout le pays circulaient sur les réseaux sociaux dès vendredi soir. Dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, les deux régions anglophones frappées depuis un an par un conflit meurtrier entre des séparatistes et l'armée, des troubles ont émaillé le scrutin, auquel très peu de votants ont participé. Des coups de feu ont été entendus dans les deux capitales régionales, Buea et Bamenda, toute la journée et trois hommes armés, séparatistes présumés qui tiraient sur des passants, ont été abattus par les forces de l'ordre à Bamenda.
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Selon Hans de Marie Heungoup, chercheur à l'International Crisis Group (ICG), « quasiment tous les retours nous parvenant situent le taux de participation en deçà de 5 % » dans ces régions anglophones du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, où plus de 300 000 personnes ont dû fuir leur domicile. Dans le reste du pays, le vote s'est déroulé sans incident majeur rapporté, notamment à Yaoundé et Douala, capitales politique et économique. Dans la région de l'Extrême-Nord, « verrou » de l'élection car la plus peuplée du Cameroun, il n'y a eu que très peu de représentants de partis d'opposition, censés surveiller le bon déroulement du vote, selon des témoignages concordants.