La voix des patriotes et de la raison, sur la crise dans les Régions du Sud-ouest et du Nord-ouest, est devenue inaudible, quand bien elle parvient à surmonter la terreur qu’imposent les activistes et sympathisants sécessionistes.
Si le bon sens semble de nouveau avoir droit de citer depuis quelques jours, le commun des analystes justifie la situation dans la zone occidentale du Cameroun par le mutisme de l’État face à l’aigreur communautariste développée depuis toujours par certains compatriotes de ces Régions.
Il y a sans doute beaucoup de vérité dans ce point de vue. Et l’influence de la gestion de notre pays n’est pas à minimiser ni à banaliser dans ce qui nous arrive, tout ce qui nous arrive.
La mauvaise qualité, l’incapacité de la gouvernance et du service public à considérer le citoyen comme leur bénéficiaire et leur raison d’être étant le mal le mieux partagé entre les camerounais.
Cette frustration ne peut pour autant pas tout justifier, comme tentent de le faire une certaine opinion. Car, toute contestation perd sens et légitimité si elle remet en cause et renie le cadre principiel qui donne droit à l’action.
Et pour le cas d’espèce, il s’agit du Cameroun en tant que État et Nation. La célébrité et l’autorité que semblent conférer la vélocité anti-système n’y sont pas pour rien.
Car, ici comme ailleurs, il y a une réelle bravoure à s’opposer à l’ordre, peut-être faudrait-il dire au désordre établi. Mais cela seule ne suffit plus à justifier l’attitude de certains camerouanais.
Sympathie morbide pathologique
Il y’a comme une commuation des frustrations de toutes natures et de toutes origines, des désamours, les rejets systémiques et autres déceptions politiques en une haine inconsciente (peut-être même consciente) de la cité.
L’on prend ainsi un outrageant plaisir à voir s’effondrer la République, faute de n’avoir su faire tomber le prince et son système. Une sorte d’instinct suicidaire quasi communautaire où l’incapacité d’agir ou d’intervenir, voir de devenir, se change en envies pyromanes, un désir de mourir.
Ce serait de l’anarchisme au meilleur des cas. Ce sentiment, devenu commun aux camerounais, qui se manifeste dans la déliquescence totale de la vie, des mœurs et pratiques. Qu’elles soient publiques, individuelles ou communautaires.
C’est par lui que l’on exulte dès qu’il y a une mauvaise nouvelle concernant le Cameroun. Amnesty International a-t-il commis un rapport « accablant » contre l’armée camerounaise, que l’on semble tenir sa revanche sur ce système inestinctible.
Le Cameroun perd-il un match de football, que l’on se réjouit de ne pas voir le système capitaliser un nouveau succès. Un tiers fait-il une déclaration fracassante contre le Cameroun, qu’il est auréolé du statut de héros national.
Cette sympathie morbide, pathologique s’il en est, a fait de la terreur que l’on fait vivre à une partie de la population du Sud-ouest et du Nord-ouest depuis plus d’un an, une sorte d’héroïsme.
Déni d’exactions
Les mêmes qui rivalisent de colère et d’invectives devant les exactions du système gouvernant s’extasient devant les incendies d’établissements scolaires.
Ils ne décolèrent pas devant une charge policière sur des manifestants mais se réjouissent de voir un élève molesté par des gros bras parce qu’il a voulu aller à l’école.
Il se réjouissent de voir le drapeau de la République brûlé et justifie que l’on hisse le drapeau sécessionniste sur un commissariat ou une brigade de gendarmerie.
Ils condamnent la restriction des libertés et manifestations publiques, et jubilent de savoir que, à force de terreur, de nombreux compatriotes sont contraints de se terrer chez-eux, obligés au silence par les activistes séparatistes.
Cet héroïsme de type obsessionnel-compulsif, au nom du bon droit et de la liberté, refuse d’écouter la voix de ce peuple qui est martyrisé. Celui dont la liberté est déniée et confisquée au non d’une liberté revendiquée.
Celui que l’on fait souffrir, que l’on martyrise pour exprimer sa souffrance. Là où la recherche de l’indépendance se caractérise par la confiscation de l’indépendance de l’autre.
L’expression de sa peine se déploie dans l’affliction de l’autre. Le besoin de faire entendre sa voix se traduit par la contrainte de l’autre au mutisme.
Ce cycle infernal de violence et musellement du peuple par le peuple ne peut pas s’appeler liberté. Peut-être est-ce la dictature du peuple par le peuple. Encore une invention camerouanaise!