La brouille diplomatique entre le Cameroun et le Tchad a été cœur de plusieurs émissions ce dimanche au Cameroun. La quasi-totalité des intervenants sur le sujet déplore l’attitude inamicale du Cameroun qui userait de moyens peu orthodoxes afin de récupérer les actions de Exxon Mobile dans la société Cotco en se cachant derrière une « nébuleuse » appelée Savannah Energy.
Sur les plateaux de l’émission Libre Expression sur Info Tv, Jean Claude Lemdjo craint une déstabilisation du Cameroun depuis l'extérieur avec cette nouvelle crise qui pointe à l'horizon.
« Quand vous avez affaire avec un guerrier, avec un militaire, il faut faire attention. Parce que les gens au Cameroun pensent que la déstabilisation de ce pays ne peut venir que des politiciens. Nous n’avons pas de politiciens. Au Tchad là, ils ne font pas comme nous. Là-bas, quand ça ne va pas, on règle le problème immédiatement. Ce n’est pas comme ici au Cameroun », a-t-il déclaré.
Le silence de Paul Biya qui n’aurait pas décroché les appels de son homologue tchadien n’est pas de nature à calmer les tensions. La convocation de l’ambassadeur du Tchad au Cameroun pour consultation est l’illustration de la dégradation des relations entre les deux pays frères. Pour Jean Claude Lemdjo certains membres du sérail, profitent de l’âge avancé de Paul Biya pour ternir l’image du Cameroun.
« Il faut faire attention. Le Cameroun est en train de salir son image. Ce n’est pas parce que notre président de la République est autant fatigué que les gens doivent profiter de ça pour salir l’image du Cameroun avec tous les pays voisins, même jusqu’au Tchad qui nous a toujours soutenu. On n’a jamais eu de problèmes avec le Tchad. Le Tchad a toujours été là pour soutenir le Cameroun. (…) Mais ici chez nous, on trouve qu’on les bai*ser dans les affaires »,a-t-il lancé.
Le juriste Me Christian Bomo livre les dessous l’affaire
Pour exporter son pétrole brut , le Tchad devait trouver un moyen de l'acheminer vers un port. Ce pays avait le choix entre le Cameroun et le Soudan.
Mais finalement, le Cameroun a été choisi. C'est ainsi qu'une société qui devait gérer le pipeline qui transporte le pétrole tchadien sur le territoire camerounais, jusqu'au port de kribi, a été créée en 1998.
Cette société s'appelle COTCO.
Le capital social de COTCO était reparti ainsi qu'il suit :
-Exxon: 41,6%
- Petronas : 29,77%
- Société des Hydrocarbures du Tchad et État Tchadien : 24%
- SNH : 5,17%....
En 2022, la société américaine EXXON MOBIL, actionnaire majoritaire, qui a trouvé que le projet n'était plus rentable, a décidé de vendre les actions qu'elle détenait dans COTCO.
Une curieuse filiale offshore de la société anglaise SAVANNAH ENERGY basée au BAHAMAS dans un paradis fiscal, et dénommée SAVANAH MIDSTREAM INVESTSEMENTS LIMITED (SMIL),s'est présentée et lui a proposé de racheter ses actions.
Ainsi un acte de cession d'actions de COTCO, a été signé entre EXXON et SAVANNAH MIDSTREAM , qui est différent de SAVANNAH ENERGY LONDRES comme rappelé sus.
Comme dans toutes les sociétés, lorsqu' un nouvel actionnaire majoritaire entre dans le capital, les autres associés ont le droit de connaître s'il est fiable, en faisant des investigations qu'on appelle dans le jargon la due diligence. Surtout lorsqu'on a affaire à une société offshore.
Les autorités tchadiennes ont constaté que ce SAVANNAH offshore n'avait pas des moyens pour gérer le pipeline.
Ce qui mettrait en danger le transport de leur pétrole. Ce qui est tout à fait logique dans la mesure où le pétrole représente 80% des revenus de son budget.
Elles se sont donc opposées à cette transaction entre EXXON et SAVANNAH OFFSHORE.
Mais la SNH qui est actionnaire minoritaire a décidé de valider cette transaction.
L'affaire qui déclenche l'incident entre le Cameroun et le Tchad, c'est la signature le 20 avril 2023 d'une convention entre la SNH, la société des Hydrocarbures du Cameroun et offshore de SAVANNAH MIDSTREAM.
Cette convention portait sur l'achat par la SNH de 10% des actions que SAVANAH MIDSTREAM avait acquises auprès de EXXON MOBILE.
La SNH a acheté ces 10% d'actions de SAVANNAH en devises a 44,9 millions de dollars américains , soit en CFA 26 milliards de FCFA.
Une somme d'ailleurs exorbitante et économique injustifiée au vu des résultats de COTCO qui réalisé par an , comme en 2021, 20 milliards de bénéfices avant impôts , à distribuer à tous les actionnaires.
Il faudra environ 10 ans à la SNH pour amortir un tel investissement.
La question qu'on se pose est celle de savoir quel était l'intérêt de la SNH d'acheter des actions économiquement non attractive et faisant l'objet d'une querelle avec l'actionnaire tchadien dont le pétrole est transporté?
En réalité, la SNH venait au secours de SAVANNAH offshore qui n'a pas encore payé EXXON MOBILE.
Les 26 milliards versées par la SNH vont certainement servir de collatéral, c'est à dire de montage d'un instrument financier pour lever le reste d'argent qui permettra à SAVANNAH offshore de lever les fonds pour payer le prix d'acquisition des actions auprès de EXXON.
Pour dire les choses simplement, l'argent versé par la SNH sous prétexte d'achat de 10% d'actions servira de contrepartie à SAVANNAH, pour obtenir des financements ou des crédits sur les places financières.
C'est pourquoi cette opération s'apparente à un détournement de deniers publics camerounais.
Pourquoi la SNH elle-même ne s'est pas positionnée directement en acquérant les actions que vendait EXXON MOBILE au lieu d'utiliser l'argent des camerounais pour aider une nébuleuse offshore?
Pourquoi cette empathie envers une curieuse société étrangère, si ce n'est en réalité qu'une affaire derrière laquelle se cachent et autour de laquelle gravitent des intérêts camerounais obscurs et privés ?
Le risque d'une société écran est grand.
Que c'est triste de voir des camerounais égoïstes, ne pensant qu'à leur bien- être , au détriment des pauvres populations !
Ils n'ont aucun sens de l'intérêt général et du bonheur pour tous.
Nous appelons toutes les forces vives à s'opposer à cette opération d'achat de 10% des actions de SAVANNAH offshore.
Christian Ntimbane Bomo
Société Civile des RECONCILIATEURS.